Arabie & Levant
Nabatéens

Les Nabatéens



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Origine des Nabatéens

Les Nabatéens forment une tribu arabe dont l’origine géographique est imprécise. Leur nom est à rapprocher de l’hébreu « nabata » qui désigne d’abord les Araméens au temps de Teglat-Phalasar III, puis les tribus arabes nomades qui paient tribut à Assurbanipal. La racine sémitique nbt (surgir, apparaître) pourrait avoir donné le mot nbtw, nabatéen. Leurs connaisances approfondies des techniques d’hydrauliques font aussi penser à une parenté avec les populations établies alors dans le Yémen actuel.

© Jean Savaton
Tombeaux à Pétra.

Ils occupent progressivement le royaume d’Edom déserté par ses habitants. C’est une infiltration pacifique. Ils sont installés dans la région de Pétra vers le VIe siècle av. J.-C. La vieille forteresse édomite de Sela devient leur capitale. On sait par une inscription gravée sur le bord du Wadi Musa, en face de l’entrée du Siq, que les Nabatéens appelaient Pétra du nom de Reqem ou Reqmu, expression qui pourrait évoquer l’apparence de la roche.

Dès l’époque la plus ancienne, les Nabatéens ont utilisé pour leurs écrits l’araméen. Les inscriptions nabatéennes retrouvées s’échelonnent du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au IVe apr. J.-C. Elles comprennent des inscriptions monumentales et surtout des milliers de graffiti, notamment dans le Sinaï. Par contre, il n’y a pas de certitude sur la langue parlée : arabe ou araméen ? Il est probable que l’araméen était plutôt utilisé dans la partie nord du royaume et l’arabe dans la partie sud (Hegra) et que les deux langues étaient indifféremment parlée à Pétra.

Les textes antiques

Diodore de Sicile évoque les Nabatéens dans son récit des deux expéditions (312 av. J.-C.) du roi séleucide Antigone le Borgne, destinées à s’emparer des richesses de Pétra. Ces deux expéditions [1] se solderont par un échec et les Nabatéens conserveront leur indépendance. C’est à Diodore de Sicile que l’on doit d’avoir baptisé la cité des Nabatéens du nom de Pétra, « la Roche », car il y avait là "un tertre rocheux [...] Cette place était extrêmement forte bien que sans murailles et se trouvait à deux jours de marche du pays habité." [2] Il ne fait d’ailleurs que traduire en grec l’ancien nom hébreu. D’autres auteurs rapprochent ce nom de l’arabe « batara » (couper, tailler), et font l’analogie avec le Siq, véritable entaille dans la ceinture rocheuse du cirque du Wadi Musa.

Dans le récit de Diodore, « Pour ceux qui les ignorent, il est utile de rapporter les usages de ces Arabes, grâce auxquels, semble-t-il, ils sauvegardent leur liberté. Ils vivent en plein air et appellent patrie ce territoire sans habitations, qui n’a ni rivières ni sources abondantes pouvant ravitailler en eau une armée ennemie. Ils ont pour coutume de ne pas semer de grains, de ne pas planter d’arbres fruitiers, de ne pas boire de vin et de ne pas construire de maisons. Si quelqu’un est pris à agir autrement, le châtiment est la mort. [...]
Certains élèvent des chameaux, d’autres du petit bétail qu’ils font paître dans le désert. Des nombreuses tribus arabes qui font paître leurs bêtes dans le désert, ceux-ci sont de loin les plus riches, quoique leur nombre ne dépasse guère dix mille. Un grand nombre d’entre eux a, en effet, pour coutume de transporter jusqu’à la mer l’encens, la myrrhe et les plus précieux des aromates que leur remettent ceux qui les acheminent depuis l’Arabie dite heureuse.
Ils aiment passionnément la liberté, et lorsqu’une forte troupe ennemie s’avance, ils s’enfuient dans le désert qui leur sert de forteresse : le manque d’eau le rend inaccessible aux autres, mais, pour eux seuls qui ont creusé dans la terre des réservoirs revêtus d’un enduit de chaux, il est un asile sûr. [...] Après avoir rempli ces réservoirs d’eau de pluie, ils en bouchent les ouvertures et égalisent le sol tout autour tout en laissant des signes connus d’eux, mais imperceptibles pour les autres. Ils ne donnent à boire au petit bétail que tous les trois jours pour qu’il n’ait pas sans cesse besoin d’eau en cas de fuite dans le désert. Eux-mêmes se nourrissent de viande et de lait et des plantes sauvages comestibles. Leur pays produit, en effet, du poivre et du miel en abondance, celui qu’on appelle sauvage et qui coule des arbres ; mêlé d’eau, il leur sert de boisson. Il y a d’autres tribus arabes dont certaines, même, cultivent le sol, mêlées aux populations qui payent tribut, et vivent exactement comme les Syriens, mais n’habitent pas dans des maisons.
 » [3]

Aussi restrictive soit-elle, cette courte description correspond plutôt bien aux connaissances actuelles que nous avons sur les Nabatéens.

Strabon rapporte [4] une description succincte et imagée des Nabatéens, conforme au style de l’époque. Il cite son ami le philosophe Athénodore qui a visité Pétra vers le tournant de l’ère chrétienne. Pétra est décrite comme une véritable ville, avec de l’eau en abondance, des jardins et de coûteuses maisons en pierre (ce qui contredit Diodore).

"Le peuple des Nabatéens déteste le luxe et la mollesse car il a toujours vécu dans une grande retenue. La loi punit rigoureusement quiconque dissipe sa fortune et récompense, au contraire, celui qui l’augmente. Ils ont une si grande horreur des corps morts qu’ils les jettent dans des cloaques ou les enterrent dans le fumier, y compris ceux des rois. Les Nabatéens adorent le soleil. Ils sont circoncis à l’âge de trois ans, comme l’avait été Ismaà« l, et il leur est défendu de manger du porc. Les caravanes comptaient tant d’hommes et de chameaux qu’elles ressemblent à une véritable armée."

Selon la Bible, leur ancêtre éponyme serait Nebayot, l’aîné des douze fils d’Ismaà« l. En dehors de Nebayot, la Bible mentionne plusieurs fois les Nabatéens, notamment leurs rois. Arétas Ier est nommé « tyran des arabes », c’est vers lui que Jason, grand prêtre du Temple et chef du parti séleucide, cherchera en vain à trouver refuge après la révolte juive vers 169 av. J.-C. Car les occupants de Pétra qu’ils soient Edomites ou Nabatéens sont traditionnellement des ennemis d’Israà« l.

Un peuple qui demeure méconnu

Hormis les tombes taillées dans la roche, les Nabatéens nous ont laissé par eux-mêmes très peu de témoignages sur leur existence quotidienne. L’étude des monnaies d’argent et de bronze émises durant deux siècles et retrouvées par les archéologues a permis d’authentifier de façon certaine des noms de rois et de reines. Les récits sont surtout le fait de leurs voisins, admiratifs ou envieux. Curieusement, ce sont souvent les sites nabatéens en dehors de Pétra qui ont fait progresser nos connaissances à leur sujet, notamment le site d’Hegra.

Les historiens ont longtemps réduit le rôle de Pétra à celui d’une nécropole ou d’un sanctuaire, obnubilés qu’ils étaient par la présence quasi-exclusive de tombes. Les nombreux séismes survenus dans les premiers siècles de notre ère ont grandement contribué à effacer les réalisations humaines, sauf celles réalisées en creusant la roche : tombes, escaliers, citernes, bétyles, inscriptions. Le nombre de ces vestiges (près de 3 000 recensés à ce jour) et l’importance donné aux aménagements hydrauliques ne peuvent se justifier que par une présence urbaine conséquente et durable.

Il est vraisemblable que le site, dont 1% seulement de la superficie a été vraiment fouillé, révèlera à l’avenir de nouvelles constructions, invisibles à l’œil nu, comme l’ont longtemps été l’église byzantine ou le Temple aux Lions ailés.


[1DIODORE, Bibliothèque Historique (Livre XIX, 95 à 100)

[2DIODORE, Bibliothèque Historique (Livre XIX, 95)

[3DIODORE, Bibliothèque Historique (Livre XIX, 94)

[4STRABON, Géographie (Livre XVI)

 


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  Dernière mise à jour : 25 février 2013
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