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Étrusques

Économie et commerce étrusques

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Le développement de la société étrusque repose surtout sur des ressources naturelles exceptionnelles, des techniques raffinées et des contacts avec d’autres peuples culturellement plus avancés comme les Grecs et les Phéniciens car la civilisation étrusque s’est rapidement ouverte vers l’extérieur : de riches objets d’importation retrouvés dans les tombes villanoviennes témoignent de l’existence d’un commerce maritime international vers l’Étrurie dès la fin de l’âge du bronze.

Une économie prospère

La fertilité agricole de l’Étrurie lui permit à plusieurs reprises de venir au secours de Rome menacée par la famine. Quant au vin, il était exporté vers le sud de la Gaule par navires entiers. L’essor de l’agriculture s’accompagna d’une mise en valeur du territoire par la réalisation de travaux d’irrigation. L’abondance des forêts constituait la matière première indispensable à la construction maritime mais aussi à l’exploitation minière. Les métaux étaient présents partout en Étrurie : au nord-ouest de Rome, dans les monts de la Tolfa , près des rives de la mer Tyrrhénienne et surtout sur l’île d’Elbe (Aithaleia). Il existait une véritable « Etrurie du fer Â » autour de Populonia et de l’île d’Elbe.

"Au-delà de la cité que les Tyrrhéniens nomment Populonia, il ya une île que l’on nomme Aithaleia. Elle se trouve à environ cent stades de la côte et doit son nom à la fumée (aithalos) qui stagne en nappe épaisse au-dessus d’elle. C’est que cette île contient un grand gisement de minerai de fer que les habitants extraient afin de le fondre et de le couler ; elle possède une grande quantité de ce minerai. Ceux qui travaillent le minerai creusent la roche et brûlent dans des fourneaux fort ingénieux les fragments de minerai qui ont été brisés ; dans ces fourneaux ils font fondre les morceaux au moyen d’un feu très violent et ils coulent le métal en gueuses de taille modérée qui ont un peu l’apparence de grosses éponges. Ces lingots sont achetés par des marchands qui payent en argent ou en nature et qui les transportent à Dicaearcheia (cité grecque près de Pouzolles) ou dans d’autres lieux de marché où d’autres marchands achètent ces cargaisons et, avec l’aide d’une multitude d’ouvriers forgerons qu’ils on rassemblés, fabriquent des objets de fer de toutes sortes." [1]

Le commerce maritime

Dès la fin du VIIIe siècle, l’aristocratie propriétaire des ports et des mines s’enrichit et adopte le mode de vie oriental et importe de nombreux objets de luxe et de prestige (bijoux, vaisselle, trépieds) destinés à orner demeures et tombes.On a retrouvé dans les tombes des objets dont l’origine urartéenne est indéniable. Ce commerce oriental semblait être dominé par les Phéniciens, comme le laisseraient penser la proportion d’objets issus de la région de Byblos, mais des marchands grecs y participaient aussi. Ce sont d’ailleurs des Grecs, ceux de Rhegion et de Zancle   qui contrôlaient le détroit de Messine, passage obligé vers le sud et la Méditerranée orientale. Ainsi, Grecs et Phéniciens venaient chercher en Étrurie du minerai de fer qu’ils échangeaient contre de la céramique ou de l’orfèvrerie.

Les échanges

De Grèce continentale et de Rhodes  , les Étrusques importèrent massivement de la céramique tout au long du VIIe siècle. Corinthe exportait en grand nombre de petits vases à parfum, vendus sans doute pour leur contenu, et quelques objets exceptionnels. Puis, au VIe siècle, on voit apparaître une production étrusco-corinthienne né de l’installation en Étrurie d’artisans grecs qui contribuèrent à la transmission de techniques artisanales dans de nombreux domaines dont celui de la céramique. Au Ve siècle, ce sont les productions de l’Attique qui prirent le relais.

Au nord, dès la fin du VIIe siècle, les Étrusques exportent vers la Gaule de très importantes quantités de vin comme l’attestent les découvertes d’épaves de navire et les milliers d’amphores étrusques retrouvées sur les côtes de la Gaule (oppidum   de Saint Blaise en Provence, site de Lattès dans le Languedoc). Outre le vin, les Étrusques exportent eux mêmes des objets assez basiques (vaisselles en tôle de bronze) mais très appréciés chez des peuples où ils font encore figure d’objets princiers (d’où leur présence dans les tombes des princes celtes). De Gaule, les Étrusques rapportaient des fourrures et surtout de l’étain qui bénéficiait lui-même d’un important commerce continental. Au sud, la présence de nombreux vases de bucchero dans les tombes de Carthage dès le VIIe siècle témoigne du succès des exportations de l’artisanat étrusque chez ses voisins.

Pris dans son ensemble, chaque étape de ce commerce maritime était interdépendante : le vin étrusque était vendu en Gaule contre de l’étain et des fourrures, eux-mêmes échangés en Grande Grèce contre des objets venus d’Attique qui avaient été échangé contre des céréales. Cette interdépendance est source de fragilité : qu’un maillon vienne à lâcher et ce sont toutes les connexions qui se défont en aval. Ainsi la défaite de Cumes   en 474 pourrait expliquer l’écroulement du commerce sur la côte tyrrhénienne et la diminution des importations des productions grecques que l’on peut constater juste après.

Les navires étrusques

Les multiples découvertes archéologiques sous-marines permettent de se faire une bonne idée du type de navires qui était utilisé. La construction des navires est plus rudimentaire que chez les Grecs, car les clins sont attachés entre eux au lieu d’être cloués. Le navire s’orne d’un genre d’éperon à la proue et d’un protome   animalier à la poupe. Au centre, l’unique mât central porte parfois un nid de pie. Il est gréé d’une voile carrée. Tout navire marchand est apte au combat, commerce et piraterie font bon ménage.

Piraterie et thalassocratie

Les Grecs n’hésitaient pas à donner aux Étrusques une réputation de pirates, accusation qui reflète d’abord le dépit des Hellènes devant les succès commerciaux de leurs rivaux. Toutefois au IVe siècle, la piraterie réelle est une pratique courante qui n’est pas spécifique aux seuls Étrusques. En 339, une flottille de navires étrusques se présente devant Syracuse avec des intentions rien moins que commerciales [2].

Les auteurs anciens, et surtout les Grecs, parlaient volontiers de la thalassocratie étrusque. Dans les faits, il n’y eût pas plus d’empire maritime qu’il n’y eût d’empire terrestre étrusque. Car la mer se partage alors entre plusieurs puissances maritimes et des conflits, inévitables, ne se dégagent pas forcément un vainqueur durable. Hérodote [3] nous a décrit le furieux combat qui opposa en 540 av. J.-C, la coalition étrusco-punique aux Phocéens devant Alalia (Alaria) en Corse. Cette bataille navale qui opposa 60 navires de Caere et 60 de ses alliés à 60 navires phocéens ne ménagea qu’une brève hégémonie dans un secteur assez restreint de la Méditerranée.

La crise des cités maritimes

Les cités étrusques et Carthage étaient alliées (bataille d’Aléria, dédicaces de Pyrgi). En 480, Anaxilas , tyran de Rhegion appelle les Carthaginois à son secours face aux menaces d’extension territoriale de ses voisins Théron, tyran d’Agrigente, et Gélon , tyran de Géla   et de Syracuse. L’affrontement tourne en faveur de Gélon et Théron et la route du sud est désormais menacée pour les Étrusques.

En 474, Syracuse défait les Étrusques à la bataille navale de Cumes et ceux-ci perdent le contrôle de la mer Tyrrhénienne. En 453, deux expéditions navales syracusaines s’attaquent à l’île d’Elbe et à la côte orientale de La corse, toutes deux dans la sphère étrusque, et toutes deux sont dévastées. Puis les Syracusains s’attaquent à la côte étrusque même et détruisent Pyrgi et le port de Caere.

Les conséquences économiques et sociales de ces revers font se faire ressentir très rapidement : en moins d’une génération les somptueuses tombes de Tarquinia et de Caere font place à des constructions plus modestes, les constructions de temple se ralentissent et les importations de céramiques athéniennes s’écroulent. L’aristocratie étrusque végète alors dans un conservatisme rural qui atteint la production artistique.

Les Étrusques tentèrent de prendre leur revanche lors de la guerre de Sicile qui opposa Syracuse aux cités grecques appuyées par Athènes. Thucydide nous rapporte "qu’ils (les Athéniens) envoyèrent également une députation en Étrurie où quelques villes promettaient leurs concours." [4] L’aide fut modeste "Trois pentecontores arrivèrent d’Étrurie." [5] Malgré quelques succès, la défaite d’Athènes en 411 anéantit les espoirs et Syracuse sort définitivement vainqueur de l’affrontement.

Les voies fluviales et terrestres

Le commerce ne se limitait pas aux voies maritimes. Les ressources minières devaient être acheminées vers les ports par voie terrestre ou fluviale. Le Tibre joue le rôle principal pour les échanges nord-sud au cours du Ve et au début du IVe siècle. Le Tibre est d’ailleurs nommé « le fleuve étrusque » (Tuscus amnis). C’est sur ses berges que se développent les villes étrusques de Chiusi et Volsinies ; plus au nord Adria et Spina se développent autour du Pô. Au-delà , s’ouvrent les routes alpines qui portent au cœur des principautés celtes les vases et les trépieds de bronze de Vulci dont leurs maîtres sont si friands.



[1Diodore de Sicile, V, 13,1

[2Diodore de Sicile, XVI, 82, 3

[3Hérodote, L’Enquête, I, 166

[4Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VI, 88,6

[5Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VI, 103,2

 




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  Dernière mise à jour : 1er mars 2008
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