Afrique
Lagides

Alexandrie (monuments)

Version imprimable de cet article Version imprimable

D’ après Plutarque [1], la ville fut fondée suite à un songe prémonitoire d’Alexandre,
qui traça les murailles de sa nouvelle ville selon la forme d’une chlamyde [2] le
25 du mois égyptien de Tybi (25 janvier 331 av. J.- C.) : elles étaient tellement longues qu’il manqua bientôt de craie et qu’il dut recourir à de la farine pour terminer son tracé. C’est Deinokratès de Rhodes  , déjà connu par des réalisations architecturales grandioses, qui en fut l’architecte, assisté des ingénieurs de l’armée Diadès et Kharias. En l’absence d’une fouille complète du site historique quasiment impossible désormais, car pour partie englouti sous la mer et recouvert par la ville actuelle pour le reste, il faut se reporter aux résultats de fouilles d’urgence et aux récits des auteurs antiques, comme celui de Strabon qui y fit un séjour en 26/20 av. J.- C., pour se faire une idée de l’urbanisme antique de la cité.

Plan de la cité

« L’aire de la ville a la forme d’ une chlamyde ; les longs côtés de la chlamyde sont ceux que baignent les eaux de la mer et du lac, avec un diamètre d’ environ trente stades, et les côtés courts sont formés par les deux isthmes, de sept à huit stades de largeur chacun, et enserrés d’ un côté par la mer et de l’ autre par le lac. La ville est partout sillonnée de rues que peuvent utiliser les cavaliers ou les conducteurs de char ; deux d’ entre elles sont extrêmement larges, de plus d’un plèthre de largeur, et s’entrecroisent à angle droit. » [3]

La cité avait donc une forme oblongue d’ environ 5 kilomètres de long sur 1,500 kilomètre de large limitée au nord par la Méditerranée et au sud par le lac Maréotis. Le pourtour de la cité mesurait une quinzaine de kilomètres. Elle fut construite selon un plan hippodamien  , les rues, d’une quinzaine de mètres de largeur, étant orientées de manière à permettre aux vents méditerranéens de rafraichir la cité en été. Au centre de la cité se croisaient les deux rues principales bordées de colonnades en marbre et granit. La plus longue des deux était la Voie Canopique qui traversait la ville selon un axe nord-est sud-ouest depuis la porte Canopique (ou porte du Soleil) jusqu’à la porte de la Lune. Elle coupait, au centre de l’agglomération, l’autre voie principale, orientée nord-sud, qui reliait la presqu’île de Lochias au lac Maréotis. C’est à l’ intersection de ces deux voies que se serait élevé le Sema.

Selon Philon, Alexandrie était divisé en cinq quartiers, qu’Alexandre fit désigner par les cinq premières lettres de l’alphabet selon le Roman d’Alexandre [4] :
le A pour Alexandre, le B pour basileus (le
roi), le G pour génos (descendant), le D pour Dios (Zeus) et le E pour ektise
polin aeimneston
(fonda une ville à jamais mémorable). Le quartier A aurait été situé autour du carrefour central. Le quartier B est attesté par
la découverte d’ une inscription correspondante : il devait inclure les palais, le Museion et le Sôma et correspondrait peut-être au quartier du Bruchion de l’ époque romaine. Cette division
correspondait peut-être à une répartition des fonctions et des populations. Ainsi le quartier égyptien, parfois appelé Rakhotis, situé entre le Grand Port et le Port d’Enostos, correspondrait soit à G soit à E,
tandis qu ’à l’ est de la ville, se serait dressé le quartier D qui était
aussi le quartier juif. Quant au quartier E, il aurait occupé le pourtour du lac.

Les monuments

La cité était décorée de bâtiments de style grec, mais les souverains lagides la décorèrent d’ obélisques, de sphinx et d’ éléments architecturaux empruntés aux ruines d’Héliopolis  , ce qui lui donnait un caractère égyptisant. La ville était approvisionnée en eau potable par le canal canopique. Un réseau de petits canaux amenait l’ eau jusqu’au des dizaines citernes qui étaient aménagées sous les rues et les maisons, véritable ville souterraine qui fit l’admiration des voyageurs durant les siècles passés.

Selon Strabon, chaque roi lagide se fit construire son propre palais accolé à ceux de ses prédécesseurs, de sorte que le quartier des palais atteignit le quart ou le tiers de la surface de la cité. Les Palais royaux avaient une façade sur la mer. L’ ensemble eut pour nom Basileia et plus tard Regia. Par suite de l’ affaissement de la côte, tous ces palais ont disparu mais un relevé topographique sous-marin atteste de la présence de vestiges sous l’ eau (colonnes, sphinx, statues ...) mais il est difficile de se faire une idée de ces constructions. C’est dans ces palais, adjacents à la bibliothèque, que César soutint le siège des Alexandrins et que Cléopâtre se donna la mort.

Alexandrie était célèbre pour ses gymnases et ses athlètes. Le gymnase le plus important s’ étendait le long de la Voie Canopique. Il était placé sous le patronage du roi tandis que les autres gymnases dépendaient d’initiatives privées. Selon Strabon, il comportait quatre portiques longs d’un stade   chacun. C’était le centre de la vie sociale de la cité, son directeur, le gymnasiarque, tenait le rang de chef des citoyens. C’est dans ce gymnase que se déroulèrent de fameux évènements comme la proclamation de Cléopâtre reine d’Égypte par Antoine ou le pardon de César aux Alexandrins.

Le Sema

La localisation précise du tombeau d’Alexandre et son éventuelle découverte constituent l’un des feuilletons les plus fournis de toute la recherche archéologique. Dès le IVe siècle, son emplacement n’était déjà plus connu.

La seule quasi-certitude que nous ayons est que le tombeau d’Alexandre, appelé Sôma (le
corps
) ou Sema (le signe), se situait à l’intersection des deux artères principales de la ville dans le quartier des palais royaux. Le transfert de la dépouille embaumée d’Alexandre aurait eu lieu entre 290 et 280 av. J.-C. sous le règne de Ptolémée II mais la construction du premier bâtiment destiné à recevoir le corps d’Alexandre avait peut-être déjà commencée sous le règne de son père. Selon une autre hypothèse, c’ est sous le règne de Ptolémée IV qu’ aurait été construit le mausolée proprement dit. Il semble que le monument
ait été conçu comme une pyramide recouvrant un dôme monumental sous lequel se placerait la tombe d’Alexandre mais selon une autre hypothèse c’est le mausolée d’Halicarnasse qui aurait servi de modèle. Autour de son tombeau étaient aménagées des petites chapelles destinées à recevoir les corps des rois lagides. L’ ensemble était protégé par une enceinte murée délimitant le temenos  .

En 89 av. J.- C., Ptolémée X aurait subtilisé le cercueil en or pour financer les mercenaires qui lui avaient permis de reprendre le contrôle d’ Alexandrie d’où il avait été chassé. La dépouille d’Alexandre fut alors déposée dans un sarcophage de verre ou d’albâtre   translucide. On sait que César, Octave et Septime Sévère avaient tenu en hommage à Alexandre à visiter son tombeau lors de leur séjour à Alexandrie. Quant à Caracalla, son délire d’identification à Alexandre, le poussa peut-être à faire desceller la tombe et à s’emparer de divers objets qui y étaient déposés.

Le Césaréum

La construction du Césaréum (Caesareum Sebasteion) commença sous Cléopâtre en l’honneur d’Antoine. Il fut achevé sous Auguste qui le dédia à Jules César divinisé. A cette époque, on fit transporter devant le temple les deux obélisques datant de Thoutmosis III qui étaient érigés dans le temple de à Héliopolis, et qui prirent désormais le nom d’« aiguilles de Cléopâtre » . L’un d’eux est désormais à Londres et l’autre à New-York.

On doit au philosophe juif Philon d’Alexandrie (Ier siècle av. J.-C.), une description détaillée et exaltée du Césaréum qu’il nous décrit comme décoré de statues et de peintures, agrémenté de bosquets, cours et portiques ainsi que d’une bibliothèque. Sous Constantin, le bâtiment fut transformé en église, elle-même siège du patriarche d’Alexandrie au IVe siècle.

Les Nécropoles

Alexandrie comportait plusieurs cimetières situés en dehors de l’ enceinte de la cité comme le voulait la tradition. Strabon, impressionné par l’ étendue du cimetière ouest d’ Alexandrie inventa le néologisme Nécropolis à cette occasion. « ...le faubourg de Nécropolis, où sont un grand nombre de jardins, de tombeaux et de lieux d’ accueil propres à la momification des morts. » [5]

La grande nécropole située à l’ est de la cité était dévolue à la population gréco-macédonienne. A l’ origine, les tombes sont individuelles puis devant la pression démographique, on aménagea des centaines de niches (loculi), empilées les uns sur les autres, où l’on plaçait les urnes cinéraires. L’usage de sarcophages ou de l’ enfouissement en pleine terre étaient aussi pratiqués. Ces nécropoles ont livré un riche matériel funéraire : statuettes, lampes, autels à encens, petits vases à parfum ...



[1Plutarque, Vie d’Alexandre, XXVI.

[2Strabon, XVII,1,6 à 10.

[3Strabon, XVII,1,8.

[4Pseudo-Callisthène, Le Roman d’Alexandre, I,4.

[5Strabon, XVII,1,10.

 




Accueil | Plan  | Crédits  | Frise chronologique

 
  Dernière mise à jour : 19 août 2007
2005-2024 © Clio la Muse